
Pour mon deuxième article, j’ai choisi de vous parler d’un film que j’ai revu récemment : 99 francs.
Ce film français réalisé par Jan Kounen en 2007 d’après le roman de Frédéric Beigbeder fait passer, avec humour et électrochocs, une belle critique du monde de la publicité !
Octave Parango est rédacteur publicitaire de luxe dans une des plus prestigieuses agences de pub parisienne, la Ross & Witchcraft .Il conçoit des scénarios de films publicitaires et des accroches pour les affiches. Cynique, égoïste et irresponsable, il mène une vie de débauche et fait de la cocaïne un usage immodéré. C’est sa vie que nous suivons tout au long de l’histoire.
Première image du film : Gros plan sur une publicité ! « bienvenue dans le meilleur des mondes », on y voit un couple, sur la plage, au soleil, stéréotype parfait du bonheur rêvé ! Puis retour à la réalité : il pleut, c’est la nuit, nous sommes à Paris. Ce contraste établit déjà un rapport publicité/réalité ( mensonge/vérité ) présent dans tout le film. Une publicité nous promet toujours quelque chose de meilleur, elle nous promet d’accéder à un bonheur que nous n’avons pas encore. Mais tout n’est qu’illusion, ce bonheur n’existe pas à travers les produits qu’on consomme. La toute première phrase d’Octave Parango l’illustre tout à fait :
» Tout s’achète : l’amour, l’art, la planète Terre, vous, moi… Surtout moi. L’homme est un produit comme les autres. Avec une date limite de vente. Je suis publicitaire. Je suis de ceux qui vous font rêver des choses que vous n’aurez jamais. Ciel toujours bleu, nanas jamais moche, bonheur parfait retouché sur Photoshop. Vous croyez que j’embellis le monde ? Perdu, je le bousille «
Le publicitaire à les pleins pouvoirs sur nous, consommateurs,
« J’ai passé ma vie à vous manipuler contre 75000 F par mois … Quand, à force d’économies, vous réussissez à vous payer la bagnole de vos rêves, je l’aurai déjà démodé. Je m’arrange toujours pour que vous soyez frustré. C’est moi qui décide aujourd’hui ce que vous allez vouloir demain, je vous drogue à la nouveauté, et l’avantage de la nouveauté c’est qu’il y a toujours une nouvelle nouveauté pour faire vieillir la précédente » ( Octave )
Débacle amoureuse, drogue, Octave ne sait plus où il en est et décide d’en finir, le film commence et on le voit sauter du haut d’un immeuble. Pendant sa chute, il se remémore sa vie. Retour vers le passé; c’est après une overdose à la cocaïne qu’il a ouvert les yeux sur le monde qui l’entoure, il décide alors de changer certaines choses.
Lui et son collègue sont chargés de monter une campagne publicitaire d’un nouveau yaourt que va lancer sur le marché Madone, une grande compagnie laitière. Une réunion à lieu entre les publicitaires et le client; le président de Madone. Je trouve cette scène particulièrement intéressante et c’est sur celle ci que j’aimerai m’attarder. Il faut savoir que Frédéric Beigbeder, l’écrivain du roman, a exercé pendant 10 ans la même fonction que son personnage chez Rubicam, une filiale française du plus grand groupe publicitaire mondiale. Les évènements, comme notamment la réunion, sont donc très réalistes et permettent de nous rendre compte à quel point le monde de la publicité est vicieux ! Octave souhaite échapper à ce système, et propose tout d’abord une publicité plus réaliste, ou du moins, moins fausse et moins stupide ! Son idée est rejetée par « On veut du jeune, du sexy, du rêve ! » du président de Madone. Il souhaite une publicité plus ‘conventionnelle’. C’est la ménagère qui est visée par cette pub. Qu’a t-elle envie de voir ? Qu’a t-elle envie d’entendre ? Que veut-elle qu’on lui dise ? Voilà les questions que doivent se poser les publicitaires pour manipuler correctement le spectateur. Ils doivent donner du rêve, ce sont des marchands de rêves.
Vient ensuite la question de comment faire passer le message de la manière la plus efficace possible. L’humour peut-être ?, c’est excellent pour la mémorisation de produit, le consommateur retient facilement ce qui le fait rire ! Ou le rêve ?, en offrant une illusion de bonheur. Pour Octave, être assis à cette table de réunion, c’est s’associer au décervelage générale de la société !
» Voilà, maintenant vous savez pourquoi vous voyez des pubs de merde depuis quelques années. C ‘est ici à cet instant que tout se joue »( Octave )

L’étape suivante est celle du casting, le client doit sélectionner l’être humain qui incarnera le plus son produit ! Le président de la compagnie laitière ne veut pas de femme noire, évidemment, il ne s’agit pas d’un yaourt au chocolat ! Il lui faut un teint blanc,pur comme le produit laitier.Plus la réunion avance et plus elle paraît ridicule, l’équipe Madone va jusqu’a choisir la couleur du gazon qui ira le mieux avec le pot de yaourt. Tout est tellement superficiel.
Pendant le tournage de la publicité, on demande à l’actrice de bien exagérer son sourire, de faire comme ci elle n’avait jamais rien mangé d’aussi bon. L’impact de la publicité est bien présent, on remarque que toute l’équipe de tournage semble avoir subitement faim. Mais une fois la caméra coupée, l’actrice recrache le yaourt.
Faire baver les consommateurs, tel est le sacerdoce des publicitaires. Dans leur profession, personne ne souhaite réellement notre bonheur, parce que les gens heureux ne consomment pas.
Plus loin dans le film, suite à une déception sentimentale et une fête trop mouvementée, Octave tombe dans un léger coma et se met à rêver; il se retrouve piégé dans des publicités.
La première est une pub pour une barre chocolatée, on y voit un petit garçon qui rentre victorieux de son match avec son père, la mère, des anglaises dans les cheveux, est dans le jardin, elle les attend et offre une barre au garçon pour le remettre de ses efforts. Nous avons là l’image typique de la petite famille parfaite que l’on retrouve dans presque toutes les publicités d’aujourd’hui; bien habillée, bien coiffée, des couleurs rosées et bleutées pour la maison, des rapports parents/enfants parfaits eux aussi. Tout est stéréotypé. Octave pense être dans la réalité et essaye de convaincre les personnages qu’ils se trouvent dans une publicité, il leur explique que leur voix sont doublées, que personne ne se coiffe plus à la brosse, que les tâches faites sur le t-shirt du garçon ne seraient pas du tout les mêmes dans la vie réelle. (Tout les effets ajoutés à la publicité en générale pour qu’elle ait l’impact voulu sautent alors aux yeux). Octave en devient fou, il tape sur les décors en criant que tout est faux.
C’est dans une publicité pour sa propre entreprise qu’il se retrouve ensuite. De nouveau il perd la tête et assomme l’acteur principal.
La dernière pub, courte et ridicule, fait de lui l’acteur principal pour présenter un nouveau papier toilette.
Ce passage du film nous montre à quel point les publicités sont superficielles, fausses et ridicules. Et pourtant, vous comme moi participons activement à ce système vicieux, quoiqu’on fasse les publicités ont inconsciemment un impact sur le spectateur.
Dans le suite du film, survolté et frustré, Octave décide de se rebeller et de frapper un grand coup en sabotant la campagne publicitaire de Madone. Il engage alors une cow girl qu’il connaît pour être l’actrice de la publicité et tourne avec elle une seconde version en secret. C’est cette dernière version qui sera diffusée sur les écrans.
On a affaire à un belle fin comique puisqu’on a suivit toutes les étapes de la création de la publicité avec les exigences aberrantes du président et de l’équipe Madone pour qu’ils soient finalement discrédités par une campagne publicitaire sabotée. Octave Parango aura réussi à changer les choses ( du moins à son échelle ) et à réaliser son rêve; celui de sortir du chemin tout tracé vers le mensonge, l’illusion, le ridicule et la consommation; et d’enfin oser exprimer sa pensée.
Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur ce film. Pour ceux qui s’intéressent au monde au sourire « Colgate », je le conseille car je l’ai trouvé vraiment intéressant et très bien fait. (Jean Dujardin doit aussi en être pour quelque chose!)